Réaction d’Alec Boudreau, président de la FJCF, au débat entourant le slogan « Right Fiers! »

Réaction d’Alec Boudreau, président de la FJCF, au débat entourant le slogan « Right fiers » pour les Jeux de la francophonie canadienne 2017 à Moncton-Dieppe

Le choix du slogan « Right fiers » pour les JeuxFC 2017 a fait couler beaucoup d’encre (principalement virtuelle) depuis hier. Je crois qu’il est bon de rappeler les actions et raisons qui ont menées à l’adoption de ce slogan, et de corriger certaines perceptions qui circulent.

Cet inconfort avec le slogan #RightFiers me semble provenir de personnes qui ne connaissent pas la réalité d’être jeune en milieu minoritaire. C’est pourtant une réalité que je connais très bien, provenant d’une communauté anglophone et d’une famille où l’Anglais se voit dominant. Le choix de m’intégrer à la communauté francophone était la mienne, mais pendant des années, j’étais la seule personne de ma ville qui étudiait en français, et je suis toujours le seul de ma famille. Ma réalité était particulière, mais aucunement unique: j’étais parmi une majorité à mon école qui provenait d’une famille exogame. Notre réalité n’était pourtant pas reflétée dans l’image de la francophonie enseignée à mon école. Je n’ai pas appris à être fier de ma langue et de ma culture. J’ai appris à avoir honte de ma façon de m’exprimer en Français et je me sentais exclu de l’Acadie: pur laine, unilingue francophone, niant toute affiliation à la langue anglaise, et primant un « bon français » sur une appartenance à la francophonie. Heureusement que des organismes tels que la Société Nationale de l’Acadie et la Fédération des jeunes du Nouveau-Brunswick (FJFNB) m’ont permis de découvrir une Acadie vivante, notamment par l’entremise d’un voyage en Louisiane où, pour la première fois, on m’a parlé d’une Acadie sans frontières qui dépassait une langue et une façon de la parler. Une Acadie où, pour la première fois, je me sentais inclus.

Pour trop de gens, l’Acadie n’est qu’une langue et une région… Une collection de symboles et de personnages. Pour moi, c’est une communauté, confiante dans sa langue et ses symboles. Les jeunes au moins ont la confiance de s’approprier cette langue et ces symboles, pour créer une définition renouvelée d’une Acadie qui nous ressemble, de notre Acadie.

Si on trouve cette appropriation troublante, au point d’y voir de l’assimilation, c’est peut-être parce qu’on manque de confiance ou de compréhension. #RightFiers, et l’appropriation des deux langues qu’elle signifie, c’est l’opposé de l’assimilation. Notre parler, c’est notre résistance à l’assimilation, et à ceux qui souhaitent jouer à la police linguistique. C’est une occasion d’être véritablement fiers de qui nous sommes et de notre réalité linguistique, et de partager, voire propager, cette fierté avec le reste du Canada francophone.

Mon prédécesseur comme Président à la FJCF, Alexis Couture, voit les choses du même œil dans un article paru sur astheure.com : « Right fiers!, c’est d’abord et avant tout, à mon sens, une invitation à être soi-même, sans filtre ni artifices, peu importe son accent ou son origine. À exprimer haut et fort notre fierté envers notre langue et notre communauté, peu importe ses défauts. Est-ce le slogan parfait? Probablement pas. Mais il rendra les Jeux d’autant plus accessibles à ceux qui en ont le plus besoin.

Ce sont ces jeunes, ceux qui sont à la limite du décrochage communautaire et linguistique, ceux qui se disent que l’effort n’en vaut pas la peine ou qu’ils ne seront jamais assez bons en français pour être acceptés, que les Jeux vont raccrocher à notre communauté en leur faisant comprendre que leur appartenance n’est pas dépendante à un niveau de langue. »

Alexis poursuit en disant : « Certains affirment que le slogan n’est pas approprié parce qu’il ne représente pas tous les francophones du Nouveau-Brunswick. Cette perception fait fausse route. Ce ne sont pas les Jeux du Nouveau-Brunswick, mais bien ceux de Moncton et de Dieppe. L’invitation que le slogan lance n’est pas celle du Nouveau-Brunswick, mais bien celle que les jeunes de notre région lance aux autres jeunes de la province et de partout au pays. Doit-on avoir honte de la manière dont nous parlons? Doit-on les inviter à venir célébrer avec nous autrement? »

Annie Desjardins renchérit sur ce point dans un article de blogue intitulé Moi j’suis right fière : « Il est vrai que maitriser le bon français demeure essentiel. Cependant, pourquoi le chiac est-il la bête noire de tant de gens? Mon expérience et celle de plusieurs jeunes à Moncton le prouve : il est bel et bien possible d’un temps s’exprimer dans un français standard et d’ensuite faire l’amalgame entre le français, l’anglais et l’acadien librement. Maintenant, des jeunes francophones de partout dans au Canada vont être accueillis chez-nous l’an prochain. Devrons-nous tous, acadiens/citoyens francophones de Moncton, nous taire le temps de l’événement? Devrons-nous parler le  « bon » français? »

Que les jeunes choisissent de s’exprimer librement, en français, avec des expressions qui leur sont propres, devrait être applaudi et respecté comme représentation d’une relève forte et fière de la francophonie au Canada. Le jugement de « l’autre », la notion qu’il existe un « bon » français, le refus d’accepter la diversité des parlers, créent une insécurité linguistique auprès des jeunes francophones et francophiles. Si on ne les laissent pas s’exprimer dans une langue dans laquelle ils se reconnaissent, si on refuse de reconnaître leur volonté et leur processus comme étant légitime, on risque de les voir se taire, pour finalement emprunter, ou même adopter, la langue de l’autre. Et ça, ce serait right triste.

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